BX4 : le support idéal pour se protéger de la baisse ?

Depuis quelques années, face notamment aux deux crises de 2008/2009 et 2011, il est un produit financier qui est devenu particulièrement à la mode, à tel point qu’on l’appelle par son petit nom, je veux dire par son code mnémonique : le fameux BX4. C’est en effet pour l’investisseur lamdba le seul moyen de protéger son PEA de la baisse des marchés. C’est bien sûr également devenu un produit spéculatif utilisé par bon nombre de traders. Mais est-ce vraiment le produit idéal pour se protéger et « jouer » la baisse des marchés ?

Commençons par une brève présentation : le BX4, ou Lyxor ETF XBEAR CAC, est un tracker (produit financier indexé sur indices) qui est censé reproduire à l’inverse les variations du CAC, avec un effet de levier voisin de 1.8 à 2. Ainsi, lorsque le CAC monte de 1%, le BX4 se replie de 1.8 à 2%. Inversement, lorsque le CAC baisse de 1%, notre BX4 monte de 1.8 à 2%.

Cette présentation, volontairement simpliste, est aussi celle qui est véhiculée un peu partout, des forums aux sites boursiers, en passant même par un certain nombre d’autres médias financiers. C’est aussi celle que nous avons trouvé sur le prospectus disponible sur les principaux sites d’information boursière, dont nous vous avons reproduit la première page :

« Le FCP « LYXOR ETF XBear CAC 40 » offre une exposition inversée, variable et amplifiée en raison de l’effet de levier, à l’indice CAC 40.

Le porteur de parts souscrivant à ce FCP fait donc le choix de s’exposer inversement à la hausse ou à la baisse à hauteur de 200% maximum à l’indice CAC 40, dividendes réinvestis. En cas d’évolution favorable de l’indice CAC 40, dividendes réinvestis, le porteur supporte une perte en capital pouvant représenter jusqu’à deux fois la hausse de l’indice. A titre d’exemple, dans le cas d’une exposition à 200%, si l’indice CAC 40 dividendes réinvestis augmente de 2,00% dans une même journée, le FCP enregistrera une baisse à hauteur de 4,00% maximum.

L’attention des porteurs est attirée sur le fait que le FCP ne bénéficie d’aucune garantie ni protection : le porteur peut donc perdre l’intégralité de son capital.

Compte tenu de son caractère spéculatif, le FCP LYXOR ETF XBear CAC 40 s’adresse à des investisseurs actifs et avertis maîtrisant le mécanisme d’effet de levier et désirant dynamiser leur portefeuille boursier par une prise de risque accrue.

En raison du mode de gestion du FCP, si pendant la durée de vie du FCP, la valeur de la Poche CAC 40 du Portefeuille de Référence atteint zéro, le FCP sera retiré de la cotation sur le marché Euronext Paris d’Euronext Paris SA et la société de gestion procédera à sa dissolution/liquidation. »

Nous n’allons bien sûr pas disséquer l’intégralité de ce prospectus, d’autant qu’il fait 42 pages ! Pas mal pour un prospectus simplifié… Ce qui m’amène à une petite remarque en aparté concernant la soi-disant transparence de la plupart des produits financiers, le devoir d’information imposé par les autorités de marchés, et tout ce qui va dans le même sens : si sur le papier, tout ceci part d’une très bonne intention, je serais curieux de savoir le pourcentage d’investisseurs, particuliers ou professionnels, qui ont déjà fait l’effort de lire (et chercher à comprendre, ce qui n’est pas une mince affaire) l’intégralité dudit document.

Bien sûr, toute l’information est là, et on ne peut reprocher à l’émetteur de ne pas nous la donner. Mais s’il faut avoir fait quelques années de mathématiques financières pour en comprendre le fonctionnement, est-ce que ce produit doit réellement être accessible par tout un chacun ? On pourrait faire le parallèle avec le droit français. Nul n’est censé ignorer la loi, mais d’un autre côté, comment connaître une loi qui change en permanence. Les hommes de loi ne font-ils pas de longues années d’études (sans parler d’une veille permanente) pour arriver à n’en maîtriser le plus souvent qu’une partie ? Et on voudrait que monsieur Tout-le-monde connaisse la loi ?

Mais revenons-en à notre BX4, et aux quelques lignes reprises ci-dessus : on y retrouve la présentation générale du produit, à savoir un FCP inversement corrélé à la variation du CAC, avec un effet de levier. Jusque-là, rien de bien compliqué.

Là où cela devient intéressant, c’est qu’on apprend que l’investisseur peut perdre l’intégralité de son capital, et que le FCP peut même être dissolu et retiré de la cote… A première lecture, on se dit que c’est encore un avertissement obligatoire, comme on en lit beaucoup (trop?) : vous savez, ces mentions hypocrites du style « fumer tue« , ou « les analyses proposées ne sauraient constituer une quelconque incitation à vendre ou à acheter« , imposées par la loi pour « protéger » le particulier.

Mais le problème, c’est que c’est bien une réalité. Pour nous en rendre compte, et plutôt que de disséquer les formules particulièrement complexes de valorisation de notre BX4, nous avons tout simplement repris un graphique depuis son origine, et nous l’avons comparé à l’évolution du CAC. Voici ce que cela donne :

C’est ainsi que l’on voit très clairement que pour un même niveau de CAC en 2008 et 2011, le BX4 a presque perdu les 2/3 de sa valeur, puisque le BX4 cotait par exemple 90 euros en juillet 2008 lorsque le CAC était sur 4075, et ne cotait plus que 34 euros fin avril 2011 lorsque ce même CAC était sur 4075, soit 62% de moins.

Comment expliquer un tel écart ? Certes, le BX4 est impacté chaque année par quelques frais de gestion. Certes, il est calculé sur la base d’un CAC 40 dividendes réinvestis, alors que nous avons effectué une comparaison par rapport au CAC (ce qui induit chaque année un différentiel de +3% environ sur le CAC, soit -6% sur le BX4).

Mais la courbe ci-dessus parle d’elle-même… Pourquoi alors un tel écart ? Sans rentrer dans le détail de la formule de calcul, l’explication vient du fonctionnement des pourcentages. Tout le monde sait que lorsqu’un titre perd 50%, il lui faut reprendre 100% pour revenir à son point de départ.

Et bien imaginons maintenant que le CAC perde 10%, et en reprenne 11%, pour donc revenir à son point de départ. Pendant ce temps-là, le BX4 va lui progresser de 20%, et va en reperdre 22 (dans l’hypothèse d’un levier 2 à son maximum). S’il cote 100 euros, il va passer à 120, puis va ensuite reperdre 22% de 120 euros, soit 26.4 euros, et retomber donc à 94.6 euros… En un aller-retour neutre du CAC au final, notre BX4 aura donc perdu plus de 5% selon ce calcul approché.

La réalité est bien sûr un peu plus complexe. Mais par l’étude de ce simple graphique, on se rend compte que le BX4 est loin d’être la panacée, à moyen et long terme en tout cas. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le BX4 n’est donc pas adapté pour protéger son portefeuille (ou alors uniquement à très court terme) mais bien plus dédié à la spéculation baissière…

Son utilisation doit donc se limiter à quelques jours, quelques semaines tout au plus, sachant que tout mouvement d’oscillation du CAC va progressivement rogner sur sa valeur, de façon irrémédiable. Ainsi, un investisseur qui aurait voulu se protéger au printemps 2010, lorsque le CAC était à 3400 pts, n’aurait tout juste rien perdu sur son BX4 en ce mois de septembre 2011, lorsque le CAC est tombé sur 2700 pts, soit 20% de chute.

Pour terminer, on évitera par contre de faire l’amalgame avec les trackers haussiers, comme le LVC, qui est le pendant du BX4. Bien que ce dernier subisse une certaine érosion avec le temps, cette dernière n’a rien à voir avec le BX4, tout simplement car nous n’avons pas ce phénomène lié aux pourcentages.

C’est ce que l’on peut visualiser sur le graphique ci-dessus, sur lequel les obliques baissières bleues correspondent à des niveaux constants du CAC. L’érosion existe donc, mais ne fait finalement que réduire un peu le levier avec le temps.

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